Ici, la guerre, ses absurdités, ses horreurs - et la peur. Là, les enfants, la maison, la terre, qu'il faut faire vivre au prix de tâches qui excèdent les forces d'une femme - et la solitude. Les hommes étaient dans l'enfer, loin de la vie réelle. Les femmes étaient dans l'humble réalité, attachées à maintenir l'espoir. Ce sont elle, sans médailles ni monuments, qui ont gagné la guerre.
Dans une plaine desséchée, sous un soleil implacable, un petit garçon fuit. Bientôt, il a trop faim, trop soif. Quand il aperçoit un vieux berger en train de dormir, il tente de le voler. Dès lors tout change pour le vieillard et pour l'enfant....
Ne pas se tromper aux figures hautaines et silencieuses : ce sont des timides , écrit Jules Renard parlant de lui. Comme tous les timides, il répugnait à se confier aux autres. Son Journal lui sert de confident, d'interlocuteur, de complice. C'est à la mémoire des feuillets qu'il remet ses pensées les plus secrètes et les lus contradictoires. Ardent dreyfusard, il écrit : Je suis écoeuré à plein cœur, à cœur débordant, par la condamnation d'Emile Zola... Mais il confesse ailleurs : Nous sommes tous antijuifs. Quelques-uns parmi [...] nous ont le courage ou la coquetterie de ne pas le laisser voir. Il se répand en réflexions misogynes : si jamais une femme me fait mourir, ce sera de rire ; Dès qu'on dit à une femme qu'elle est jolie, elle se croit de l'esprit ; La femme est un roseau dépensant. Mais n'est-ce pas pour exorciser le chant des sirènes ? Je les aime toutes. Je fais des folies pour elles. Je me ruine en rêves. Anticlérical, antireligieux convaincu =, auteur de La bigote, au Journal il confie cependant : J'ai l'esprit anticlérical et un cœur de moine. Il avait une conscience amère, injuste et orgueilleuse, de ses limites, mais aussi de ses qualités, celles des grands écrivains - l'humour, l'ironie, la poésie : Les ironistes, ces poètes scrupuleux, inquiets jusqu'à se déguiser. Portrait d'une époque et d'un milieu, peinture des naturels du Morvan, et par-dessus tout portrait d'une âme poétique jusqu'à la souffrance, le Journal de Jules Renard est un chef-d'œuvre de la langue française et le témoignage d'un grand moraliste : Je me fais une haute idée morale et littéraire de l'humour.